Comment sublimer votre prise de parole d'obsèques grâce à l'art oratoire ?
Prononcer un discours d’enterrement, une oraison funèbre, un texte ou un poème est un exercice délicat qui nécessite de la technique et de l’entrainement pour se perfectionner. Que vous soyez endeuillé ou maitre de cérémonie funéraire, la maîtrise de l’art oratoire devrait vous permettre de sublimer votre prise de parole durant la cérémonie funéraire.
Qu’est-ce que l’Art Oratoire ?
L’origine de l’Art Oratoire remonte à la Grèce Antique avec l’art du discours politique puis l’art dramatique au théâtre. Au croisement de la rhétorique et de l’éloquence, il requiert l’apprentissage d’une technique dont la maitrise permet d’émouvoir et de convaincre par la parole.
L’art oratoire implique une véritable verticalité au service d’un discours incarné et vivant. En vous appropriant physiquement le lieu de votre prise de parole, vous allez occuper l’espace scénique avec charisme. En libérant votre respiration et votre voix, votre parole devient fondatrice au service du défunt et des endeuillés avec un phrasé calme et précis. Enfin, une réelle complicité s’établit avec l’auditoire par votre regard et l’écoute mutuelle.
Oration de Cicéron envers Catilline – Barloccini 1849
Les 5 fondamentaux de l’art oratoire
Vos 5 points d’appuis sont
- la posture,
- la respiration,
- le regard,
- la voix
- l’écoute.
Il va falloir vous entrainer et mettre en pratique ces 5 appuis de l’art oratoire pour vous préparer et gérer votre discours le jour J comme un orateur aguerri.
On naît poète, on devient orateur. Cicéron
- La posture, 1er appui de l'art oratoire -
Adoptez la posture de l’orateur
crédit photo film Jules César de Joseph L. Mankiewicz
- Ancrez vos pieds au sol, bien à plat, écartés à la largeur du bassin.
- Déverrouiller les genoux, les jambes souples pour avoir du ressort,
- Redressez-vous – avec la tristesse, vous risquez d’être abattu et de vous tenir d’une façon avachie,
- Recherchez l’axe, la tête bien droite, comme si un fil étirait votre colonne vertébrale depuis le coccyx jusqu’au sommet du crâne,
- Détendez votre mâchoire (même bouche fermée)
- Relâchez les épaules,
- Ouvrez le sternum et la cage thoracique pour respirer,
- Relâchez vos bras et vos mains le long du corps.
Une fois vos appuis posés dans cette posture calme et confiante, vous êtes prêt pour votre prise de parole.
- La respiration, 2ème appui de l'art oratoire -
Respirez profondément depuis le ventre
La respiration est physiologiquement liée à la posture. En effet, il est beaucoup plus facile de respirer librement quand on se tient bien droit plutôt que vouté. L’air circule alors facilement du nez et de la bouche aux poumons avec un diaphragme libéré. Une respiration abdominale calme et profonde donnera de l’énergie à votre voix. Le souffle est à l’origine du son et de la parole.
credit photo @nine-koepfer-unsplash
Prenez votre temps
Respirer calmement vous aidera aussi à gérer votre stress. Il va falloir apprivoiser votre tortue intérieure.
Il est naturel, en cas de stress, d’accélérer le débit de sa parole. Mais, plus vous vous précipitez, plus les mots perdent de leur impact. Le public n’a même pas le temps nécessaire d’assimiler ce que vous êtes en train de dire.
Donc, parlez lentement ! Si vous ralentissez, vous gagnerez en stabilité et en confiance. Ainsi, en prenant le temps d’habiter physiquement votre texte, vous aurez également le temps de rassembler vos idées en parlant posément.
ASTUCE : en haut de la feuille de votre texte enterrement, écrivez en gros SLOW
credit photo @kristopher-roller-unsplash
Une projection émotive du jour J
Le fait de dire l’éloge à haute voix dans les jours ou heures précédant la cérémonie vous aidera à repérer les parties susceptibles de vous donner envie de pleurer. Si vous avez envie de pleurer à chaudes larmes, surtout ne vous retenez pas ! Vous allez déjà vous libérer émotionnellement.
Délivrer un témoignage sur un être cher vous demandera sans doute de vous dépasser sur tous les plans le jour J, mais c’est une expérience tellement gratifiante et porteuse de sens qu’elle mérite que vous vous prépariez pour être au top !
Ainsi, vous devriez être capable de gérer en vous maitrisant d’avantage le jour J.
ASTUCE : pour le jour J, prévoyez un mouchoir dans votre poche afin de ne pas être pris au dépourvu au moment de prendre la parole.
- La voix, 3ème appui de l'art oratoire -
Libérez votre voix pour donner de l’ampleur à votre discours d’obsèques
Afin d’éviter le chat dans la gorge en plein discours, vous devez échauffer votre voix avec des exercices. Cet aspect de l’art oratoire ne peut sans aucun doute se maîtriser grâce à un article de blog. Elle réclame l’aide d’un coach vocal si vous souhaitez vraiment vous libérer vocalement comme un oiseau chante !
Faites le lien entre le souffle & la voix
La pratique de la respiration abdominale va vous permettre de mieux gérer la durée de votre expiration et la longueur de vos phrases. En plus, l’espace créé entre l’abdomen, la cage thoracique jusqu’au voile du palais est votre caisse de résonance. Ainsi, en ouvrant le corps dans une inspiration large, votre voix gagnera en puissance harmonique sur l’expiration. Dès que vous allez répéter, essayez de mettre cela en application afin de parler d’une voix forte et claire pour que tout le monde vous entende le jour J.
Naturellement, certaines personnes sont prédisposées avec une nature vocale naturellement riche harmoniquement. Donc, si dans votre cas, vous avez une voix douce et peu sonore, inutile de forcer. Ce sera désagréable pour vous et l’auditoire.
Dans la plupart des cas, les églises et crematoriums sont équipés de dispositifs de sonorisation. Donc vous allez utiliser un micro. Néanmoins, si vous deviez parler au cimetière par exemple, il devient indispensable de vous entrainer à projeter et faire « sonner » votre voix au service de l‘art oratoire.
Travaillez votre articulation, la diction, les modulations, le rythme des mots dans votre discours ou poème
Le nouveau-né crie toute le journée et ne s’enroue pas. Tao Te King
Attention : un chanteur va de voyelle en voyelle tandis qu’un parleur va de consonne en consonne.
Je privilégie toujours un “continuum vocalique” qui permet de révéler toute la musique du texte. Votre voix ainsi « bercera » l’assemblée, ce qui ajoute une dimension musicale consolatrice dans le contexte d’une cérémonie funéraire.
En vous appuyant sur les consonnes, vous allez donner de l’intelligibilité et du poids aux mots. Surtout, en répétant, vous allez ancrer la bonne prononciation dans la mémoire kinesthésique en créant un ancrage solide. Si vous souhaitez travaillez votre articulation, voici des exercices.
ASTUCE : hydratez-vous bien et prévoyez pour le jour J une petite bouteille d’eau.
- L'écoute & le silence, 4ème appui de l'art oratoire -
Développez votre écoute & l’art du silence
Écoutez la musique du texte
S’écouter implique d’être pleinement présent(e) à « ce que je dis ». En prenant le temps de prêter l’oreille à sa propre voix et à la musique du texte, vous disposez d’un espace gigantesque pour jouer avec les intonations, les modulations, la diction.
Plutôt que d’être essentiellement centré sur l’image que vous souhaitez renvoyer aux autres, être à l’écoute de ce qui se passe autour de vous va vous rendre plus disponible et réactif.
Le silence ou comment remplir l’espace de sa présence
credit photo @waldemar-brandt-unsplash
Si les enfants ont peur du noir, les adultes, eux, appréhendent les « blancs ». Vécu comme un « vide », moment de solitude et un gêne, l’échappatoire consiste souvent à remplacer les silences par des “euh” et autres parasites. Et plus le stress gagne, plus on accélère et réduit les silences pour se débarrasser de son discours vécu comme une corvée.
Or, quand la voix se tait, le corps continue de s’exprimer. Autrement dit, avec la communication non verbale, la force de conviction perdure. En silence, vous restez connecté à votre auditoire. D’où l’importance de travailler votre présence physique et habiter l’espace.
L’assemblée est une éponge prête à se gorger de vos émotions. Si votre propre silence vous met mal à l’aise, vous risquez d’indisposer les gens. A vous, donc, de trouver une paix intérieure et une véritable qualité du silence, pour en faire un moment de communion partagée.
L’orateur est le magicien des mots et le maître des silences
Le silence est un temps que vous vous offrez pour vous ancrer, respirer et ainsi gagner en sérénité lorsque vous reprenez la parole. Ce n’est pas un blanc ou une absence.
Utilisez les silences c’est prendre le temps de développer vos qualités d’écoute et de bienveillance. Savoir se taire en faisant une pause est un excellent moyen d’être attentif aux réactions de votre audience pour vous adapter subtilement. Et ça, ça se sent ! c’est de l’empathie et de l’amour. Ainsi, maitriser cette dimension de l’art oratoire vous fera accéder à tout votre potentiel charismatique.
Le silence, un trait d’union invisible
Ainsi, vous allez capter l’attention du public en lui donnant le temps d’intégrer votre message.
Véritable trait d’union dans l’espace, le silence d’un côté, fait résonner les mots que vous venez de prononcez et de l’autre, il suscite la curiosité pour ce que vous allez dire… Dans un contexte aussi douloureux, c’est un cadeau inestimable.
credit photo @krakenimages-unsplash
L’art du storytelling au service de l’art oratoire
“Elle était si…”
Pause.
Silence…
L’assemblée est suspendue à vos lèvres : tout le monde attend la révélation que vous allez faire…
Cette utilisation dramatique du silence comme un outil de suspense est la technique du “cliffhanger” qui est au cœur du métier de conteur.
Exercices d’art oratoire pour vous entraîner au silence
- Prenez votre texte. Lisez-le à voix haute et à chaque silence, comptez 3 secondes dans votre tête avant de reprendre.
- Lors de votre prise de parole, quand vous arrivez “sur scène”, prenez 5 à 10 secondes pour regarder l’assemblée en silence, en souriant du regard et en respirant.
Attention : le silence ne se place pas forcément au même endroit que la ponctuation à l’écrit. Donc entraînez-vous, répétez une même phrase plusieurs fois et essayez de sentir où le silence est le plus éloquent. Vous verrez, c’est très instinctif ! Puis notez d’une virgule sur votre feuille de papier pour créer un ancrage.
Faire de la musique, c’est jouer du silence. Miles Davis
- Le regard, 5ème appui de l'art oratoire -
Utilisez votre regard pour booster l’impact de votre prise de parole
Que vous ayez choisi de lire un poème, de parcourir vos notes ou prononcer votre discours de mémoire, il est essentiel de vous connecter à l’auditoire par le regard. C’est le premier vecteur émotionnel. D’autant plus que la voix porte où le regard se pose !
credit photo @drew-graham-unsplash
Regarder votre audience
Si vous voulez un exemple parfait, regardez des vidéos de Barack Obama. C’est un orateur exceptionnel. Vous remarquerez surtout, comme son regard est ouvert vers l’assemblée, alors, son corps se place naturellement dans l’espace, au service de son discours.
Le public sera beaucoup plus enclin à vous écouter s’il peut voir votre regard pendant votre prise de parole. Surtout, si vous êtes la tête penchée vers le pupitre avec le nez dans votre feuille de papier, l’audience va fatalement se désintéresser de vous car elle ne « sent pas » la présence de l’orateur. Tout ceci est très instinctif et bien une question d’empathie. Car en vous connectant par le regard, se noue une confiance mutuelle au service de l’humanité.
Discours prononcé par Barack Obama aux obsèques du sénateur Ted Kennedy
Balayez du regard l’assemblée
Pour créer un lien avec les participants, la technique du balayage – comme un ventilateur – est recommandée.
En cas de cérémonie intime avec une petite salle/assemblée, vous devez impérativement vous adresser à chaque personne individuellement. Vous allez poser vos yeux sur chaque personne pendant quelques secondes, en vous adressant véritablement à elle, avant de passer à une autre.
Pour une large audience, il devient impossible de regarder chaque personne. Aussi, je vous recommande la technique du balayage en découpant l’assemblée en « zones » (à gauche, au centre, à droite, les premiers rangs, les derniers rangs, les balcons). Vous allez successivement balayer l’assemblée en posant votre regard au centre de ces zones successives. Ainsi, les personnes situées dans chaque zone auront l’impression d’être regardées individuellement.
Si vous appréhendez d’être secoué émotivement en regardant certaines personnes, vous pourrez établir plus facilement le contact avec d’autres personnes.
Exercice d’entrainement avec les post-its
Évidemment, vous n’aurez pas à votre disposition tout un auditoire pour vous entrainer. Donc, je vous suggère de disposer 3 rangées de Post-it devant vous, sur des chaises et un mur, qui représentera symboliquement chacune des personnes de votre auditoire. Écrivez sur chaque post le mot MERCI en français ou langue étrangère pour créer un ancrage positif.
Démarrez votre discours en posant votre regard sur un Post-it, représentant une personne. Dîtes lui une phrase complète en ayant pris le temps de la lire, la mémoriser puis la dire en regardant le post-it . Ne changez pas de post-it avant d’avoir fini votre phrase. Ensuite, choisissez un autre post-it et dites-lui une autre phrase.
Idéalement, vous devez trouver le bon rythme dans l’alternance entre regard et texte. Au démarrage, cela va vous semblez artificiel puis avec la répétition, vous allez y trouver du naturel et ainsi vous connecter facilement avec le public le jour J.
Cet exercice d’art oratoire exigeant vous apportera beaucoup de résultats mais il nécessite volonté et exigence pour la mener à bien.
Vous perfectionner à l'art oratoire avec un coach ?
Je vous ai offert ces conseils afin de vous aider à faire une belle prise de parole durant la cérémonie funéraire. C’est toute mon expertise de coach certifiée en art oratoire et d’officiante de cérémonie laïque / maitresse de cérémonie que je mets à votre profit.
credit photo @nicolasterraes
Maître de cérémonie funéraire indépendante, je sais combien la dimension de la prise de parole est absente du cursus de formation. Si vous avez embrassé une mission aussi noble qu’accompagner les familles en deuil, je vous invite vraiment à envisager un travail personnel pour gagner en profondeur et authenticité en tant qu’orateur. Vous en serez grandi et développerez une joie dans l’accomplissement de votre métier.