Month: mars 2019

Texte enterrement
Demain dès l'aube - Victor Hugo

Demain, dès l’aube – Victor Hugo publie en 1856 ce poème XIV « Pauca meae » (Quelques vers pour la mienne) dans le quatrième livre des Contemplations.

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Demain, dès l’aube – Victor Hugo

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.


Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.


Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Un drame à l’origine de ce poème universel

Le poète s’est inspiré des circonstances tragiques de la disparition de sa fille Léopoldine Hugo quatre ans plus tôt.

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Le 4 septembre 1843, dans leur maison de vacances de Villequier en bord de la Seine, Léopoldine avec son mari Charles Vacquerie décident de traverser la rive en canot à voile, accompagnés par l’oncle de Charles et son fils.

 

Mais un violent coup de vent fait chavirer l’embarcation. Les paysans assistent impuissants à la noyade des quatre victimes qui sont enterrées au cimetière de Villequier. Léopoldine était âgée d’à peine 19 ans – son  mari, 26 ans.

Le désespoir d’un papa

Quatre jours plus tard, Victor Hugo, apprend par hasard la nouvelle dans la presse. Accablé de chagrin, il va cesser toute activité littéraire pendant plusieurs années. Terrassé par le deuil, il va commémorer la mort de sa fille dans un pèlerinage annuel entre Le Havre et Villequier.

Analyse du poème demain, dès l'aube

Le poème commence avec le récit d’un homme perdu dans ses pensées qui voyage dans la campagne pour rejoindre un être aimé. Dans les deux derniers vers, on découvre toute la dimension tragique : l’être aimé est mort et le voyageur se rend au cimetière.

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Un père parle à sa fille disparue

Victor Hugo, terrassé par le deuil, sublime toute sa douleur dans ces magnifiques vers autobiographiques. Il s’adresse à Léopoldine à laquelle il raconte sa randonnée au travers la nature pour rejoindre le cimetière et fleurir sa tombe. Ce poème romantique vise surtout à célébrer la vie éternelle en nous rappelantque la mort peut arriver sans crier gare, au détour d’une simple virgule…

Expression lyrique de la tristesse et la solitude du deuil

C’est le voyage d’un pèlerin, seul face à sa mélancolie durant le chemin qu’il emprunte. Seul dans sa bulle, il semble totalement indifférent à la nature qui l’entoure.

Grâce au dialogue, Hugo réussit ce tour de force de rendre vivante Léopoldine. Enfin, grâce aux symboles des plantes associées au bouquet, le poète célèbre la vie éternelle de sa fille. En effet, le houx garde sa couleur verte intacte toute l’année et porte bonheur. Quant à la bruyère, elle demeure perpétuellement en fleur.

La mort et l’immortalité

Comme tout grand deuil, le drame de la disparition de Léopoldine a littéralement plongé son père dans un profond questionnement métaphysique. Victor Hugo s’est ainsi beaucoup interrogé sur la mort et l’au-delà. Comment poursuivre le dialogue avec un être disparu ? Comment toujours percevoir sa présence dans l’absence ?

Pourquoi lire pendant la cérémonie funéraire le poème demain, dès l'aube

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Ce poème sublime trouvera toute sa place dans une cérémonie au cimetière.

 

Sa structure est de 3 strophes de 4 vers de 12 pieds chacune. Avec ses alexandrins en rimes croisées (ABAB), attention de bien respecter la ponctuation. Prenez le temps de faire les coupures qui divisent le vers en deux hémistiches, afin de livrer toute la musicalité et la rythmique de ce texte enterrement.

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Réflexions sur l'impermanence et la mort

Tout est éphémère et prend fin : la chanson s’achève, la fleur se fane, la colère se tarit… L’impermanence et la mort dansent main dans la main : elles nous confrontent au temps qui passe inéluctablement, expérience de la durée et de l’espace.

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L’impermanence dans la tradition boudhiste

La tradition bouddhiste identifie l’impermanence comme une source majeure de la souffrance humaine : puisque tout est impermanent,  l’attachement est cause de souffrance.

 

Le yogi Shabkar (1781 – 1851) dans son Autobiographie d’un yogi tibétain raconte sa triste et brutale prise de conscience de l’impermanence lors du décès de sa mère :

Au moment où ils déposèrent les os de ma mère dans mes mains, je songeai : « A ho! Les choses de ce monde ne sont vraiment rien. […] Croyant obstinément en la permanence des choses, j’ai toujours repoussé mon retour : L’an prochain… Je viendrai te voir… L’an prochain… […] » Elle n’est plus sur cette terre où elle pouvait m’entendre quand je lui parlais et où je pouvais la contempler à loisir. […] Point n’est besoin de méditer davantage l’impermanence et la mort : ma mère m’a donné cet enseignements en disparaissant.

La véritable sagesse serait-elle dans l’acceptation positive et sereine de cette impermanence ?

Réflexions sur l'impermanence et la mort
par Matthieu Ricard

Chaque instant de notre vie a une immense valeur. Pourtant, nous laissons s’écouler le temps qui nous reste comme de l’or fin entre nos doigts. Quoi de plus triste que de se retrouver les mains vides à la fin de sa vie ?

Sachons reconnaître le caractère inestimable de chaque seconde de vie.

Soyons assez intelligents pour décider d’en faire le meilleur usage, pour notre bien comme pour celui des autres.

 

Avant tout, dissipons l’illusion qui consiste à croire que nous avons ‟ toute la vie devant nous ”. Cette vie passe comme un rêve qui peut s’interrompre à tout moment. Consacrons-nous donc sans plus attendre à l’essentiel pour ne pas être rongés de regret à l’heure de notre mort. Il n’est jamais trop tôt pour développer nos qualités intérieures.

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La nature éphémère de toute chose se présente à nous sous deux aspects :

  • l’impermanence grossière – le changement des saisons, l’érosion des montagnes, le vieillissement du corps, les fluctuations de nos émotions –
  • et l’impermanence subtile, qui se manifeste au niveau de la plus petite unité de temps concevable.

À chaque instant infinitésimal, tout ce qui semble exister de façon durable change inéluctablement.

 

C’est à cause de cette impermanence subtile que le bouddhisme compare le monde à un rêve, une illusion, un flux perpétuel et insaisissable.


Si la pensée de la mort doit sans cesse habiter l’esprit du pratiquant, elle ne doit pas pour autant le rendre triste ou morbide, mais au contraire l’inciter à employer chaque minute de sa vie pour accomplir la transformation intérieure à laquelle il aspire.

 

Nous avons tendance à nous dire : ‟ Je vais d’abord régler mes affaires actuelles, mener à terme tous mes projets, et une fois tout cela fini, j’y verrai plus clair et pourrai me consacrer à la vie spirituelle ”.

 

Mais en raisonnant ainsi, nous nous leurrons de la pire des manières, car non seulement notre mort surviendra infailliblement, mais le moment et les circonstances qui la provoqueront sont absolument imprévisibles.

Toutes les situations de la vie ordinaire, le simple fait de marcher, manger ou dormir peuvent soudain se transformer en causes de mort. C’est ce que le pratiquant sincère doit toujours garder à l’esprit.


Au Tibet, les ermites qui allument leur feu le matin s’entraînent à penser qu’ils ne seront peut-être plus là le lendemain pour en allumer un autre. Ils considèrent même qu’ils ont de la chance si, après chaque expiration, ils peuvent inspirer de nouveau. La pensée de la mort et de l’impermanence est pour eux l’aiguillon qui les encourage chaque jour à poursuivre leur pratique spirituelle.

La vision spirituelle de Dilgo Khyentsé Rinpoché sur l'impermanence et la mort

La vie est aussi éphémère qu’une goutte de rosée à la pointe d’un brin d’herbe. On ne peut arrêter la mort, de même qu’on ne peut empêcher les ombres de s’étirer au soleil couchant. Vous pouvez être extrêmement beau, vous ne séduirez pas la mort. Vous pouvez être très puissant, vous ne l’influencerez pas davantage. Même les richesses les plus fabuleuses ne vous achèteront pas quelques minutes de vie supplémentaires. La mort est aussi certaine pour vous que pour celui qui a le cœur transpercé d’un poignard.

récit initiatique

Un jour, un rude Tibétain du Khampa vint offrir une pièce de tissu à Droubthop Tcheuyoung, l’un des plus éminents disciples de Gampopa, pour lui demander des enseignements. À plusieurs reprises Droubthop Tcheuyoung renvoya le Khampa en dépit de ses multiples supplications. Comme celui-ci insistait, le maître prit finalement les mains de l’homme dans les siennes et lui répéta trois fois:
— Je mourrai; tu mourras.

Puis il ajouta:
— Voilà tout ce que mon maître m’a enseigné. C’est tout ce que je pratique. Médite simplement là-dessus. Je te promets qu’il n’y a rien de plus grand.

pour conclure…

L’idée de la mort tourne l’esprit vers le Dharma, elle nourrit l’assiduité, et elle permet, pour finir, de reconnaître la radieuse clarté de la dimension absolue. La mort devrait toujours être l’un des sujets essentiels de vos méditations.

 

Lorsque la véritable compréhension de l’impermanence aura commencé à poindre dans votre esprit, vous ne vous laisserez plus emporter par la discrimination entre ami et ennemi, vous serez à même de déchirer l’épais enchevêtrement des activités distrayantes et futiles, vous serez capable de puissants efforts, tout ce que vous ferez prendra la direction du Dharma, et vos qualités s’épanouiront comme jamais auparavant.