Texte enterrement - poème enterrement
Que la vie en vaut la peine – Aragon
Que la vie en vaut la peine – Aragon écrit ce deuxième des quatorze poèmes du recueil Les Yeux et la mémoire (1954). Agé de 57 ans, le poète nous partage sa vision pleine de gratitude sur la vie. Avec humilité, il nous ouvre les yeux sur le fait que notre vie ne vaut pas plus que celle d’un autre individu. Jean d’Ormesson a repris le premier vers du poème comme titre de son dernier roman.
Que la vie en vaut la peine – Aragon
version réduite adaptée comme texte de cérémonie funéraire
C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moments de bonheur ces midi d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit
D’autres viennent
Ils ont le cœur que j’ai moi-même
Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime
Et rêver dans le soir où s’éteignent des voix
D’autres qui referont comme moi le voyage
D’autres qui souriront d’un enfant rencontré
Qui se retourneront pour leur nom murmuré
D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
C’est une chose au fond que je ne puis comprendre
Cette peur de mourir que les gens ont en eux
Comme si ce n’était pas assez merveilleux
Que le ciel un moment nous ait paru si tendre
(…)
Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle